Reconstitution de la bibliothèque de Francis Bacon
La Francis Bacon MB Art Foundation abrite une reconstitution de la bibliothèque personnelle de Francis Bacon, avec près de 500 livres, magazines et journaux, de la même édition que ceux retrouvés dans les ateliers de l’artiste, notamment dans celui du 7 Reece Mews, à Londres.





Une sélection de publications issues de la bibliothèque de Francis Bacon :
Phenomena of Materialisation
Kegan Paul, Trench, Trubner & Co Ltd.
1920
Un des livres les plus étranges retrouvés dans l’atelier de Francis Bacon est Phenomena of Materialisation, daté de 1920, version anglaise de l’ouvrage allemand paru en 1914 Materialisations-Phaenomene, ein Beitrag zur Erforschung der mediumistischen Teleplastie [Phénomènes de matérialisation, une contribution à la recherche en téléplastie médiumnique]. Écrite par un médecin, le baron Albert von Schrenck-Notzing, cette publication illustre par le biais de photographies son témoignage sur des séances de spiritisme et de télépathie, et sur des manifestations d’esprits.
Les séances de télépathie impliquaient une seule personne, enfermée dans une structure circulaire en forme de tente, celle-ci étant partiellement cachée derrière un rideau. Les images de von Schrenck-Notzing ont inspiré les premières figures fantomatiques de Bacon, remontant aux années 1940, jusqu’à celles des années 1970. Le panneau de gauche de l’un des tableaux les plus emblématiques du peintre, Trois Études de figures au pied d’une Crucifixion (1944), est fondé sur une photographie de la célèbre médium Eva Carrière, tirée de Phenomena of Materialisation.
Eisenstein at Work
Methuen
1985
L’influence du cinéma sur l’art de Francis Bacon est indéniable. L’artiste a d’ailleurs souvent déclaré qu’il aurait aimé être réalisateur s’il n’avait pas été peintre.
Des images de la nourrice hurlant dans la séquence dite « des escaliers d’Odessa » du Cuirassé Potemkine, film de Sergueï Eisenstein sorti en 1925, ont notamment inspiré les premiers « papes hurlants » de Bacon.
Picture Post
Francis Bacon a souvent déclaré dans ses divers entretiens qu’il regardait tous types de photographies. Il les percevait comme des points de référence qui, dans certains cas, pouvaient déclencher des idées alimentant son travail.
Les numéros de Picture Post – revue britannique de photographie publiée de 1938 à 1957– faisaient partie des divers magazines, anglais et français, que l’artiste utilisait comme source d’inspiration. La structure tridimensionnelle transparente visible sur cette couverture apparaît dans plusieurs tableaux de Bacon, où des figures sont prises au piège dans cette cage transparente, évoquant généralement des animaux réduits en captivité. La structure de la cage sert à focaliser l’attention du spectateur sur le personnage, et crée également un sentiment de malaise, de confinement, conduisant à la claustrophobie.
The Human Figure in Motion
Dover Publications Inc.
1955
En 1949, Denis Wirth-Miller porte à l’attention de Francis Bacon les planches chronophotographiques d’Eadweard Muybridge décomposant le mouvement de l’homme et de l’animal, faisant partie des collections du Victoria and Albert Museum, à Londres. Ces études sont devenues un matériau de travail essentiel pour Bacon à partir des années 1950.
Le peintre a par ailleurs transformé le sens de l’imagerie de Muybridge, en greffant son visage ou son corps, tout comme les visages et les corps d’amis proches et d’amants, sur les figures humaines originellement présentes sur les planches du photographe britannique, précurseur du cinéma.
Lorsqu’il évoquait son utilisation des photographies d’Eadweard Muybridge, Francis Bacon déclarait : « Je pense très souvent aux corps des gens que j’ai connus, je pense aux formes de ces corps qui m’ont particulièrement touché, mais qui sont ensuite greffés très souvent sur les corps de Muybridge. Je manipule les corps de Muybridge pour leur donner la forme de corps que j’ai connus. »
Velasquez
Spring Books
1965
Francis Bacon considérait Diego Vélasquez comme le plus grand des artistes. Parlant du Portrait du pape Innocent X exécuté par l’Espagnol vers 1650, il déclarait : « J’ai toujours pensé que c’était l’un des plus beaux tableaux au monde et j’ai eu un coup de cœur pour lui. » Le peintre britannique était tellement obsédé et hanté par cette œuvre qu’il en produisit plus d’une cinquantaine de variations.
Introducing Monkeys
Spring Books
1957
Au début des années 1950, Francis Bacon effectue un séjour en Afrique du Sud pour rendre visite à sa mère et à sa sœur. Il y passe du temps à observer les mouvements et le comportement des animaux sauvages.
Dès le début de sa carrière, le peintre met en scène une ambiguïté soutenue entre imagerie humaine et animale, allant jusqu’à superposer des traits de singe sur une forme d’homme.
Dans un entretien avec l’historien de l’art David Sylvester, Bacon a déclaré : « Le mouvement animal et le mouvement humain sont liés continuellement dans l’image que je me fais du mouvement humain. »
Positioning in Radiography (huitième édition)
Ilford Ltd.
1964
La prédilection de Francis Bacon pour les images choquantes est confirmée par sa collection de livres médicaux.
L’ouvrage de Kathleen C. Clark Positioning in Radiography (1942), qui présente des photographies d’individus passant des radios, fut pour Bacon un réservoir d’images suggestives produites aux rayons X et un catalogue de distorsions anatomiques caractéristiques. Ces planches ont inspiré à l’artiste ses zones encerclées, ses flèches directionnelles, et les positions peu conventionnelles données aux membres de ses personnages.
A Pictorial History of Boxing
Spring Books
1959
La curiosité de Francis Bacon pour les activités sportives fut strictement théorique. Des livres illustrés sur le cricket, la boxe, les arts martiaux, le tennis, la natation, le football et le golf ont été retrouvés dans son atelier.
L’intérêt central de l’artiste à l’égard de ces publications résidait dans l’étude du corps humain en action, en mouvement. La figure principale du panneau droit de Crucifixion (1965) fut directement inspirée par les images du boxeur Max Schmeling photographié en pleine chute, présentes dans cet ouvrage de Nat Fleischer et Sam Andre, A Pictorial History of Boxing (1959).
Test Decade 1972/1982
World’s Work Ltd.
1982
Francis Bacon assistait à des matchs de cricket dans les années 1930 avec son amant Eric Hall. Les livres sur ce sport furent des catalyseurs pour un certain nombre de ses tableaux entre 1978 et 1987. L’artiste y incorporait des accessoires de cricket, comme des jambières ou des chaussures de gardien.
The Acanthus History of Sculpture: Ancient Egypt
The Oldbourne Press
1960
Francis Bacon appréciait particulièrement l’art de l’Égypte ancienne, laquelle représentait à ses yeux la plus passionnante des civilisations. Il visita Le Caire en 1951, et réalisa quatre tableaux mettant en scène la figure du Sphinx entre 1953 et 1954.
À propos de l’art égyptien, Bacon déclarait : « Les figures sont extrêmement vivantes et réalistes, surtout les statues de l’Ancien Empire, avec ces visages peints d’une manière très sommaire, mais où vous avez une présence extraordinaire. Je voudrais que ma peinture soit présente sans qu’il y ait un message derrière. »
The Drawings of Michelangelo
Thames and Hudson
1971
Francis Bacon possédait plus de livres sur Michel-Ange que sur tout autre artiste. Il décrivait ce dernier comme le plus grand des dessinateurs, ajoutant que le maître italien avait réalisé les nus les plus voluptueux jamais rencontrés dans l’histoire des arts plastiques. Dès ses débuts, Bacon s’est inspiré des sculptures et des dessins de cette immense figure de la Renaissance.
Fourteen Eighteen
Michael Joseph Ltd.
1965
Un grand nombre de livres sur la guerre ont été retrouvés dans l’atelier de Francis Bacon. Ils couvraient la Première et la Seconde Guerre mondiale, mais aussi la guerre d’Indépendance irlandaise, la guerre d’Algérie et la guerre du Vietnam. Certaines images de ces conflits apparaissent dans l’imagerie de Bacon.
Collected Poems 1909-1962
Harcourt Brace & Company
1963
À propos des poèmes de T. S. Eliot, Francis Bacon affirmait : « Je lis vraiment, des choses qui font naître des images en moi… Ça se produit beaucoup avec Eliot… Pour moi, ils ouvrent les vannes de la sensation, et donc des images surgissent comme ça avec ce genre de lecture. »
Ce que le peintre appréciait le plus chez T. S. Eliot était sa capacité à analyser les passions et les comportements humains. Les divers écrits du poète américain naturalisé britannique inspirèrent un certain nombre d’œuvres à Bacon, dont Triptyque (1967), souvent intitulé Triptyque inspiré du poème Sweeney Agonistes de T. S. Eliot.
The Oresteian Trilogy
Penguin Books
1956
Après avoir assisté, à plusieurs reprises, à la représentation de la pièce de T. S. Eliot La Réunion de famille, publiée en 1939 et tirée de l’Orestie d’Eschyle, Francis Bacon désire en savoir davantage sur la tragédie grecque. Il découvre alors l’œuvre de ce grand dramaturge antique, et se passionne pour sa célèbre trilogie mettant en scène la dynastie des Atrides. Celle-ci lui suggère plus d’images que tout autre texte. La citation préférée de Bacon tirée de cette œuvre était : « La puanteur du sang humain fait éclater mon cœur de rire. »
Bullfight
Simon and Schuster
1958
Dans les années 1960, lors de ses différents voyages dans le sud de la France et en Espagne, Francis Bacon commence à s’intéresser à la tauromachie. Après avoir lu Miroir de la tauromachie (1938), écrit par son ami Michel Leiris et que ce dernier lui avait offert, il nourrit une véritable fascination pour toute l’atmosphère et le rituel de la corrida. À propos de celle-ci, le peintre déclare : « [La corrida est] la mort, mais la mort en plein jour, et pour moi cela fait apparaître toutes sortes d’images. »
En 1969, Bacon peint Étude pour une corrida no 1, qui est suivie de deux autres versions la même année. La thématique de la corrida lui inspirera d’autres œuvres, dont son dernier tableau, Étude d’un taureau (1991).