En juillet 1946, le tableau de Bacon, Peinture 1946, est présenté pour la première fois au public à la Redfern Gallery, à Londres. La toile est, dans le contexte de l’art britannique d’après-guerre, d’une taille exceptionnellement grande et ambitieuse. Un critique d’art compare à cette occasion la technique de Bacon à celle de Velásquez, tandis qu’un journaliste du Times considère le tableau comme la toile la plus « inquiétante » de toute l’exposition, et son imagerie est largement perçue comme provocante et dérangeante. En 1946, Erica Brausen achète le tableau pour 200 livres sterling et immédiatement après la vente, Bacon quitte Londres pour Monaco, où il vivra durant les trois années suivantes. Il retournera régulièrement en Principauté tout au long de sa vie.
Même si Bacon était profondément critique envers le travail des artistes, à commencer par le sien, il considérait Peinture 1946 comme une réalisation majeure. Cette toile fut la première de l’artiste à être achetée par un musée et son achat par le Museum of Modern Art de New York, en 1948, marqua une étape importante dans sa carrière.
Bacon a souvent expliqué que l’un des grands principes qui guidaient sa peinture était l’intervention de l’élément du « hasard ». Il considérait que Peinture 1946, née selon lui « entièrement par accident », illustrait parfaitement cette idée. Quarante-cinq ans plus tard, dans l’un de ses derniers entretiens, il continuait à citer Peinture 1946 pour démontrer combien ses images résultaient du hasard. De récentes recherches ont toutefois montré que son iconographie était bien plus préméditée que ce que Bacon prétendait et les travaux consacrés à ce sujet constituent un terrain propice à de nouvelles études sur l’artiste.
Martin Harrison
Auteur du catalogue raisonné de Francis Bacon